mercredi 18 janvier 2012

La Caroline du Sud décisive

La course à l’investiture républicaine se poursuit : après le doublet historique réalisé par Mitt Romney dans l'Iowa et le New Hampshire, place maintenant à la Caroline du Sud, le 21 janvier, qui sera probablement la primaire la plus décisive avec celle de Floride fin janvier. Et Romney reste là encore le favori.

L’ancien gouverneur du Massachusetts, victorieux du caucus de l’Iowa le 3 janvier, est donc sorti vainqueur le 10 janvier de la primaire du New Hampshire décrochant 39% des votes, suivi de Ron Paul à 22%, de Jon Huntsman à 16%, de Newt Gingrich et Rick Santorum à 9%, et de Rick Perry avec moins d'1%. C'est la première fois qu’un candidat républicain réalise ce doublet. Après le retrait de Michele Bachmann au lendemain du caucus de l’Iowa, un nouveau candidat vient de décider de quitter la course: l’ancien ambassadeur de Barack Obama en Chine et ex-gouverneur de l’Utah, Jon Huntsman. Ce dernier avait beaucoup misé sur le New Hampshire et n’a finalement fait qu’un score modeste, ce qui l'a poussé à se retirer et à apporter son soutien à Romney. Dès son annonce lundi, son équipe de campagne a effacé de son site Internet toutes les attaques contre Romney...

Il reste donc désormais cinq candidats dans l'arène: Mitt Romney, Newt Gingrich, Ron Paul, Rick Santorum et Rick Perry. La prochaine primaire de Caroline du Sud, le 21 janvier, sera décisive à plus d'un égard. Si Mitt Romney doit être stoppé quelque part dans ces primaires, c'est bien dans ce petit Etat du Sud-Est extrêmement conservateur. Car d’une part, depuis les années 1980, aucun candidat républicain n'a remporté la nomination du parti sans gagner au préalable la Caroline du Sud. Deuxièmement, ce serait la toute première fois de l'histoire du pays qu’un candidat remporte le triplet Iowa, New Hampshire, Caroline du Sud. Romney a toutes les chances de son côté, non pas parce qu’il représente un véritable candidat de force mais parce que ses concurrents restent faibles, ne brillent guère et ne parviennent pas à convaincre l'électorat républicain.

Pour l'heure, la guerre des spots télévisés continuent. Rick Santorum, l'ex-sénateur de Pennsylvanie, ultra conservateur social et fiscal, vient par exemple de sortir cette publicité appelé "Easy Answer" mettant Obama et Romney sur le même plan pour souligner le fait que le favori républicain n'est pas un "vrai" conservateur :


De même, l'ancien président de  la Chambre des représentants Newt Gingrich, aidé par un milliardaire du Nevada, a lancé une campagne publicitaire de plus de 2 millions de dollars attaquant directement Romney. L’un de ses spots, intitulé "The French connection", va jusqu’à se moquer du fait que ce dernier parle français (il a été missionnaire mormon en France dans sa jeunesse) et pose la question "Peut-on lui faire confiance?":


Le gouverneur du Texas Rick Perry a aussi attaqué le favori républcain lors du débat de lundi soir sur le fait qu'il devrait publier sa feuille d’impôts pour montrer combien, en tant qu'ancien repreneur d'entreprises à la fortune personnelle considérable, il gagne chaque année. Romney a assuré qu'il le ferait le moment venu...

Reste que la nomination du candidat se fera sur le nombre de délégués remportés et non de voix obtenues. Il faut ainsi 1144 délégués pour remporter la nomination de ces primaires qui vont s’étaler sur plusieurs mois dans les 50 Etats du pays. Avec sa victoire dans l’Iowa et le New Hampshire, Romney a déjà recueilli le soutien de 20 délégués, loin devant tous les autres. La Caroline du Sud représente de gros enjeux avec 25 délégués en piste, tout comme la Floride fin janvier avec 50 délégués d’un coup. Pour l’heure, selon RealClearPolitics, les sondages donnent en Caroline du Sud Romney à 32%, Gingrich à 22%, Paul et Santorum à 14%, Perry à 5%.

A noter que Sarah Palin, l’ex-gouverneure de l’Alaska et ancienne égérie du Tea Party candidate à la vice-présidence des Etats-Unis en 2008, a annoncé hier soir sur Fox News que si elle était originaire de Caroline du Sud elle ne voterait pas pour Romney mais pour Gingrich… L’équipe Obama, de son côté, se frotte les mains et laisse les républicains s’écharper entre eux.

vendredi 6 janvier 2012

Primaires: après l'Iowa, route vers le New Hampshire

Les primaires républicaines ont officiellement démarré ce mardi avec le tout premier caucus de l'Iowa qui a vu la victoire de Mitt Romney, la percée de Rick Santorum et la sortie de Michele Bachmann. Prochaine étape: le New Hampshire, mardi prochain.

Big smile pour Mitt Romney, seul candidat républicain à faire durablement figure de favori depuis le début de la campagne, qui a finalement remporté le 3 janvier la toute première étape, plus symbolique que décisive, de l'Iowa. Depuis 1972, c'est en effet dans cet Etat perdu du Midwest, au beau milieu des champs de maïs, que débute traditionnellement le long processus des primaires destiné à aboutir à la désignation d'un candidat présidentiel pour un parti.

Dès le début de soirée mardi, des caucus avaient été organisés dans les 99 comtés que compte l'Iowa. Le principe est quelque peu différent de la primaire en tant que telle où les gens d'un Etat se rendent simplement aux urnes pour désigner un candidat. Dans un caucus, ils se réunissent, échangent leurs opinions, délibèrent, puis procèdent au vote. Vers deux heures du matin, l'ensemble des bulletins de vote avaient fini d'être dépouillés (à la main).

John McCain (gauche) a annoncé son soutien à Mitt Romney
L'ex-gouverneur du Massachusetts a donc fini en tête mais d'une très courte avance (à peine huit votes) sur - surprise de ce caucus - l'ancien sénateur de Pennsylvanie Rick Santorum. Romney, ancien businessman à la gueule d'acteur et à la fortune personnelle plus que conséquente, a déjà pris la route pour le New Hampshire où il fait campagne sans relâche en vue de la primaire du 10 janvier dans cet Etat. Pour cette deuxième étape, également très symbolique, il a reçu un soutien de poids: celui de l'ancien candidat à la présidentielle 2008, John McCain. Juste retour des choses: lors des primaires républicaines de 2008, Romney avait fini deuxième derrière McCain et lui avait ensuite apporté son soutien face à Barack Obama.

Le favori républicain n'est pas le seul à exulter depuis mardi. Rick Santorum, inconnu jusqu'à il y a quelques semaines encore, qui stagnait au plus bas dans les sondages sans parvenir à avoir son "momentum", a réussi une percée en Iowa et se voit à présent pousser des ailes. Ce catholique fervent, père de sept enfants, a profité de la dégringolade brutale de Newt Gingrich, l’ancien président de la Chambre des représentants, conséquence directe des attaques publicitaires à répétition de Mitt Romney à son égard. Santorum, qui avait sillonné malgré le froid glacial tous les recoins de l’Iowa avec sa femme dans une voiture de location, assistant à plus de 350 meetings et scandant son slogan "foi, liberté, famille", devrait avoir moins de succès dans le New Hampshire moins conservateur que l'Iowa. Selon les derniers sondages, il n'est d'ailleurs qu'à 8% dans cet Etat contre 41% pour Romney.

Santorum, défenseur des valeurs traditionnelles de la famille, pro-peine de mort,
 anti-avortement, anti-contraception et anti-homosexuels en général 

Le troisième homme de l’Iowa est Ron Paul, cet anarchiste conservateur qui malgré ses 76 ans a du succès auprès des jeunes notamment avec son discours anti-guerre et pro-libéralisation de tous les stupéfiants. Il apparaît aujourd'hui en deuxième place dans les sondages du New Hampshire. Mais ce représentant du Texas à la Chambre n'a pas assez d’argent et un discours trop peu conservateur en matière de politique étrangère et de sécurité nationale pour avoir la moindre chance de remporter la nomination. Sur le plan économique, ses positions anti-impôts et anti-"big government" plaisent néanmoins au Tea Party.

Dans l'Iowa, Newt Gingrich a quant à lui fini quatrième. Un mauvais score, mais cet animal politique rompu aux arcanes washingtoniens reste dans les sondages à l'échelle nationale le deuxième candidat préféré des républicains derrière Romney. Enragé d’avoir subi les attaques publicitaires de ce dernier, il mise d'ailleurs beaucoup sur la Caroline du Sud le 21 janvier, prochaine étape après le New Hampshire. Il a sillonné pendant longtemps ce petit Etat très conservateur qui est décisif dans les primaires, vu qu'aucun candidat républicain présidentiel n’a jamais remporté la nomination sans avoir au préalable gagné la Caroline du Sud. Preuve qu'elle ne baisse pas les bras, l'équipe Gingrich a lancé hier la toute première pub anti-Romney alors que jusqu'à présent elle refusait de mener une "campagne négative".



Pub anti-Romney de la campagne Gingrich

Derrière Gingrich, on retrouve Rick Perry qui, malgré son score en Iowa, a décidé de ne pas abandonner la campagne et de mettre aussi tout le paquet sur la Caroline du Sud. Mais il s’est déjà brûlé les ailes avec ses gaffes à répétition et ne devrait a priori pas aller très loin, même si en tant que gouverneur du Texas depuis dix ans il en a largement les moyens.

Bye bye Michele

L’égérie du Tea Party et représentante du Minnesota à la Chambre, Michele Bachmann, a de son côté choisi de se retirer de la course après ses très mauvais scores en Iowa - où elle est pourtant née et a grandi... Elle a néanmoins annoncé qu'elle continuerait à se battre contre Obama et sa réforme de la santé.

Enfin Jon Huntsman, ancien ambassadeur d’Obama en Chine et ex-gouverneur de l’Utah, n'a fait qu’un pauvre pourcent dans l'Iowa mais depuis le départ il indique qu’il se concentre surtout sur le New Hampshire, où il devrait la semaine prochaine faire une meilleure performance. Reste qu'il est trop vu comme un modéré et un homme d'Obama pour avoir des chances de l'emporter. C'est pourtant lui que l'équipe Obama redoutait le plus dès le départ.

Haine commune d'Obama

Malgré leurs déchirements et coups bas à répétition, tous ces candidats ont un point commun : une haine féroce envers le Président, qu’ils comptent détruire en novembre prochain. Mais les sondages montrent que pour l’heure Obama reste en tête des sondages devant tout candidat républicain potentiel. Les élections sont toutefois encore loin et le résultat dépendra beaucoup de deux choses : la situation économique et le chômage, qui stagne toujours pour l'heure à plus de 8%.

samedi 31 décembre 2011

Newt Gingrich, animal lover

Que se passe-t-il dans la tête de Newt Gingrich ? Alors qu’il a dégringolé en une semaine de trois places dans les sondages en Iowa, conséquence directe de l’acharnement publicitaire de Mitt Romney contre lui, le candidat à l’investiture républicaine tente de retrouver du soutien en lançant un nouveau site sur les animaux...

Le site en question intitulé "Pets with Newt 2012" s'ouvre sur une photo de l’ancien président de la Chambre des représentants, l'air heureux avec son chapeau de safari enfoncé sur le crâne et deux petits animaux exotiques dans les bras. Les onglets à droite de la page d'accueil proposent de découvrir "Newt et Callista (sa femme) au zoo", appellent à envoyer des photos de son animal de compagnie, et surtout, encouragent à donner de l'argent pour la campagne 2012 de Gingrich...

Car l'objectif de l'ancien Speaker avec ce site pour le moins hors du commun est de montrer au public son côté "léger" et "marrant" en tant que politicien et candidat aux primaires républicaines en vue de l’élection présidentielle de novembre 2012. Gingrich, qui est un animal (c'est le cas de le dire) politique et un fin stratège rompu aux arcanes washingtoniens ayant notamment férocement attaqué Bill Clinton au moment de l’affaire Lewinsky, veut ainsi se démarquer de la "campagne négative" du favori Mitt Romney, qui mène depuis deux semaines une guerre acharnée contre lui à coups de spots télévisés.


La troisième épouse de Gingrich, Callista, aime également beaucoup les animaux
Pour l'ancien gouverneur du Massachusetts, Newt Gingrich est devenu l'homme à abattre depuis qu'il a vu, début décembre, sa cote de popularité grimper en flèche et qu'il est apparu de façon constante en tête des sondages en Iowa - où se tiendra le 3 janvier le tout premier caucus qui lance officiellement les primaires. Avec son comité d’action politique "Restaurez notre avenir", chargé de recueillir l'argent des personnes physiques et morales désireuses d'investir dans sa campagne, Mitt Romney a ainsi dépensé près de 2,5 millions de dollars en publicités négatives contre l’ancien Speaker. Depuis la décision historique du 21 janvier 2011 de la Cour Suprême des Etats-Unis, les entreprises et groupes d’intérêts peuvent en effet investir des montants désormais illimités dans des messages publicitaires de campagne.

L’un des récents spots de Romney démarre notamment par la voix d’une jeune femme demandant, avec en fond d’écran la photo d’un Obama tout sourire : "Savez-vous ce qui rend le Président heureux ?". Réponse : "Les valises de Newt Gingrich". On voit alors apparaître une série de valises tombant lourdement les unes après les autres sur un tapis roulant d’aéroport et bardées d’autocollants portant les inscriptions, non pas des villes supposément visitées, mais des vieux dossiers qui collent à la peau de Gingrich. Par exemple : le fait qu’il ait touché 1,6 million de dollars de frais de consultation de la société Freddie Mac, qui subventionne la majorité des crédits immobiliers et a largement pris part au déclenchement de la crise financière en 2008. Ou sa propension à négocier des accords avec les démocrates du Congrès au cours de sa carrière politique à Washington. La publicité cite aussi un article de la très conservatrice National Review décrivant Gingrich comme "incapable de se transformer, ou même, de se gouverner lui-même".


Publicité anti-Gingrich du comité d'action politique de Romney

Bref, une minute d’abattage en règle de l’adversaire, sans même citer une seule fois le nom de Mitt Romney. Une formule qui marche vu que Gingrich, qui a également été la cible des attaques du gouverneur du Texas Rick Perry, est désormais redescendu quatrième dans les sondages en Iowa, derrière Romney, Ron Paul et même Rick Santorum qui n'a pourtant guère fait vibrer les électeurs jusqu'à présent… L'équipe Gingrich, qui n’a pas les moyens financiers de riposter à armes égales avec Romney, a bien tenté de diffuser un spot télévisé dans lequel la voix d’un homme en colère explique qu’il ne faut pas "laisser les républicains de gauche nous piquer notre candidat", référence directe au fait que Romney est souvent vu au sein de l’électorat républicain comme un faux conservateur notamment sur les questions sociales. Mais cela ne suffit pas.

La nouvelle stratégie est donc désormais de mettre l'accent sur l’amour du candidat pour les zoos et les animaux. En espérant que les électeurs naïfs se laisseront convaincre… Comme d’autres candidats avant lui dans cette campagne (notamment Rick Perry et Herman Cain), Gingrich a connu pendant quelque temps son moment de grâce avant de redégringoler brutalement dans les sondages. Mitt Romney semble bel et bien le seul à rester constamment en position de favori dans cette course dont les prochaines dates capitales seront le caucus du 3 janvier en Iowa, suivi de la primaire du New Hampshire le 10 janvier. De son côté, Barack Obama se repose durant quelques jours sous le soleil d’Hawaï tandis que les démocrates ont sorti, pour cette fin d’année 2011, un Top 10 assez cocasse des gaffes des candidats républicains en 2011... 


Top 10 des gaffes des candidats républicains selon les démocrates

vendredi 23 décembre 2011

La classe moyenne peut souffler deux mois de plus

Nouveau blocage évité au Congrès et cette fois-ci Barack Obama en sort grand gagnant: les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, ont finalement accepté jeudi soir un compromis avec les démocrates pour étendre de deux mois supplémentaires les allègements fiscaux qui s’appliquaient aux salariés de la classe moyenne.

Une bonne nouvelle pour la Maison Blanche qui s'est acharnée à mettre la pression sur le Congrès pour obtenir la prolongation des ces cadeaux fiscaux qui sont censés arriver à expiration le 31 décembre et qui, s'ils s'arrêtent, risquent de faire augmenter les impôts de chaque foyer de 1000 dollars par an en moyenne selon l'équipe Obama. Depuis quelques jours, des comptes à rebours géants avaient été installés dans les couloirs de la Maison Blanche pour indiquer dans combien d'heures les Américains se retrouveraient avec une facture plus salée qu'auparavant. De même, le staff du Président avait lancé une grande campagne via Twitter pour illustrer ce que 40 dollars signifient pour chaque citoyen à travers le pays (cette somme étant l'augmentation prévue de chaque facture pour un foyer vivant avec 50 000 dollars par an, soit 1000 dollars à la fin de l'année). 


Obama s'était juste accordé une sortie mercredi
avec son chien Bo pour faire ses emplettes de Noël
(Photo Pete Souza, White House)


Le Sénat, aux mains des démocrates, avait entériné le 17 décembre le projet de loi du Président avant de partir en vacances. Mais le lundi suivant, la Chambre avait refusé de le faire, faisant courir le risque d'un nouveau blocage au Congrès juste avant la pause de Noël. Finalement, après négociations, le chef des républicains à la Chambre John Boehner a annoncé hier qu'un accord de principe avait été trouvé avec les démocrates. Difficile à moins d'un an des élections de passer pour ceux qui brisent encore un peu plus le pouvoir d'achat de la classe moyenne, alors que le pays stagne toujours avec un chômage aux alentours de 9%. Un sondage publié par la chaîne (certes de gauche) MSNBC a d'ailleurs montré dans la semaine que 6% des Américains considéraient Obama comme responsable du blocage, contre 94% qui préféraient faire porter le chapeau à John Boehner.

En annonçant le compromis, ce dernier a indiqué devant la presse que "quelquefois il est difficile de faire ce qui est juste", ajoutant que les membres du parti républicain à la Chambre "s'étaient bien battus". Obama, qui avait retardé ses vacances à Hawaï dans l'attente d'un compromis, devait signer le texte juste après son vote formel au Congrès vendredi, avant de partir rejoindre de bonne humeur sa femme et ses filles déjà sur place. De difficiles négociations seront toutefois à attendre à la rentrée pour tenter de parvenir à une prolongation de ces allègements fiscaux jusqu’à la fin 2012, comme le souhaitent les démocrates.

Le contexte sera alors plus que propice aux querelles partisanes puisque les primaires républicaines débuteront officiellement le 3 janvier avec le tout premier caucus (historique) de l'Iowa, en vue de l'élection présidentielle du 6 novembre.

lundi 5 décembre 2011

Quand Gingrich se frotte les mains

Après l'annonce du retrait d'Herman Cain samedi, l'ancien Speaker de la House Newt Gingrich voit sa cote de popularité remonter à moins d'un mois du lancement des primaires dans l'Iowa.

Alors c'est fait: Herman Cain a officiellement annoncé samedi, lors d'un rassemblement devant son quartier général de campagne à Atlanta, après avoir fait attendre son public dans le froid et de la musique des années 80, qu'il "suspendait" sa candidature. Ce qui en soi ne veut rien dire car on ne suspend pas une candidature, on l'arrête ou on la poursuit, mais tout le monde a bien compris que l'ancien PDG de la chaîne de restaurants Godfather's Pizza jetait l'éponge. Rattrapé par des accusations d'harcèlement sexuel remontant aux années 1990 et par le témoignage d'une businesswoman d'Atlanta révélant que Cain avait entretenu une relation extraconjugale avec elle depuis treize ans, le candidat républicain a préféré se retirer de la course pour "préserver" sa femme et sa famille et éviter que ces "mensonges" ne viennent "créer un nuage de doutes" dans l'esprit de ses supporters.

 Newt Gingrich (Photo AP)

L'homme d'affaires de 65 ans ne veut toutefois pas abandonner la lutte et a annoncé qu'il allait promouvoir la "Cain Solutions" et qu'il continuerait à défendre son fameux plan fiscal 9-9-9. Fox 5 Atlanta révèle en outre qu'Herman Cain devrait apporter lundi en fin de journée son soutien à Newt Gingrich, l'ancien président de la Chambre des représentants, qui s'en frotte déjà les mains. Dans un sondage paru samedi soir et réalisé parmi les électeurs de Des Moines en Iowa (premier caucus le 3 janvier), ce dernier passe en tête avec 25% des intentions de vote devant le libertarien Ron Paul (18%) et le jusqu'alors favori de la course Mitt Romney (16%). Un autre sondage NBC/Marist College Iowa publié dimanche révèle à peu de choses près les mêmes résultats avec un Gingrich à 28%, suivi de Paul et Romney à 19%. Reste à savoir si l'ère de grâce de Newt Gingrich va durer et s'il jouera véritablement le trouble-fête dans la campagne de Mitt Romney, comme John McCain l'avait fait il y a quatre ans (Romney avait fini second).  

Selon le Washington Post, plusieurs analystes démocrates s'inquiètent du pouvoir d'attraction de Gingrich malgré sa mauvaise réputation. Car si l'ancien Speaker âgé de 67 ans est connu pour avoir trompé ses différentes épouses, est tenu pour responsable de l'arrêt ("shutdown") du gouvernement sous l'administration Clinton en 1995, garde une affaire de corruption sur le dos et a dernièrement laissé échapper que  les lois sur l'interdiction du travail des enfants étaient "véritablement stupides", il pourrait notamment, s'il remporte les primaires républicaines, rafler une partie de l'électorat hispanique cher à Barack Obama. Gingrich publie en effet toutes les semaines un bulletin d’information intitulé "Newt con nosotros" (Newt avec nous) et a adopté une position sur l’immigration clandestine qui se situe à gauche de celle de tous ses rivaux républicains. Mais tout n'est pas fini et tout peut encore arriver en un mois, avant le lancement officiel des primaires et caucus dans les différents Etats.

mercredi 30 novembre 2011

Cain enchaîne les scandales, Perry les gaffes

Sexe, gaffe et politique n'ont jamais fait bon ménage. Herman Cain, l'ex-pdg de Godfather's Pizza et candidat notoire aux primaires républicaines de 2012, pourrait se retirer de la course suite à de nouvelles allégations, non pas d'harcèlement sexuel cette fois, mais de relation extraconjugale durant 13 ans. En parallèle, le gouverneur du Texas Rick Perry, autre candidat haut en couleur, a refait une gaffe d'anthologie qui pourrait lui valoir des plumes.

D'après un article de la National Review, Herman Cain aurait déclaré mardi dans une conversation téléphonique avec l'un de ses conseillers qu'il était en train de "réévaluer" son maintien dans la course aux primaires républicaines en vue de l'élection présidentielle de novembre 2012. Il aurait ajouté qu'il continuait pour l'heure sa campagne mais qu'il prendrait sa décision dans les prochains jours. Une "breaking news" à l'américaine qui intervient peu de temps après la parution dans la presse de nouvelles allégations selon lesquelles le candidat africain-américain de 65 ans aurait entretenu une relation extraconjugale longue de 13 ans avec une femme d'affaires d'Atlanta.

Dans l'Amérique puritaine, de telles histoires n'ont guère bonne image surtout qu'Herman Cain a déjà été impliqué en octobre dernier dans des affaires d'harcèlement sexuel remontant aux années 1990 lorsqu'il était président de l'Association Nationale des Restaurants. Plusieurs de ses anciennes employées ont en effet affirmé qu'à l'époque elles s'étaient plaintes auprès de collègues de "comportements inappropriés" de la part de Cain, sous forme de conversations un peu trop insistantes et de gestes suggestifs ou impropres à des relations de travail. Les femmes auraient alors finalement décidé de quitter leur emploi au sein de l'Association, avec qui elles auraient négocié un accord pour partir avec des indemnités en échange de leur silence.

Cain, businessman dragueur

Jusqu'alors, ces affaires n'avaient pas réussi à affecter la cote de popularité de l'ancien patron de Godfather's Pizza qui niait tout en bloc et parvenait à se maintenir relativement haut dans les sondages, derrière le favori Mitt Romney et au coude à coude avec l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich. Mais cette nouvelle affaire pourrait mettre à terre le candidat qui se vante depuis le départ d'être le seul non politicien de la course et d'avoir l'habitude de résoudre les problèmes en tant que "businessman". Dans son appel téléphonique mardi, il aurait ainsi révélé à son conseiller que ces dernières semaines ont beaucoup affecté sa femme et sa famille et qu'il avait peur que toutes ces allégations ne "créent bien trop de flou dans l'esprit des gens".

On pourrait donc s'attendre à ce que l'inventeur du plan fiscal au slogan simplissime à retenir "9-9-9" - qui visait à supprimer le code des impôts actuel et à le remplacer par un seul et même taux d'imposition à 9% pour les entreprises, 9% pour les individus et 9% pour les ventes nationales - jette l'éponge d'un moment à l'autre. D'après les analystes, à qui profiterait le crime dans l'immédiat?  Probablement à Newt Gingrich, dans la mesure où nombre de supporters d'Herman Cain pourraient reporter leurs voix sur l'ancien Speaker de la House. Et ce, malgré le fait que lui aussi s'est vu impliquer ces dernières semaines dans une affaire de corruption et qu'il a tenu des propos plus que surprenants en faveur du travail des enfants.

Perry, cowboy gaffeur 

Un autre candidat républicain devrait faire beaucoup parler de lui cette semaine: Rick Perry, fils de "ranchman" élevé dans la poussière du Sud, à la tête du Texas depuis 2000, plaidant pour un rôle ultra limité de l'Etat, une réduction au maximum des impôts et ayant décroché le record national du nombre d'exécutions à mort (plus de 200 depuis le début de son mandat). Après sa gaffe légendaire lors d'un débat dans le Michigan en novembre au cours duquel il avait annoncé qu'en tant que président il souhaiterait éliminer trois ministères sans être toutefois capable de se rappeler le nom du troisième - un "oups" mémorable - il en a remis une couche mardi dans le New Hampshire.

Cette visite était pourtant stratégique vu que le New Hampshire sera le deuxième Etat à voter pour les primaires républicaines le 10 janvier prochain, après l'Iowa. Le candidat souhaitait donc séduire les jeunes électeurs en prononçant un discours devant les étudiants du Saint Anselm College sauf qu'il a lancé: "Pour ceux qui auront 21 ans d'ici le 12 novembre, je vous demande votre soutien et votre voix". Le problème est que l'âge légal pour voter aux Etats-Unis est 18 ans et que l'élection présidentielle aura lieu le 6 novembre 2012...


Rick Perry mardi dans le New Hampshire

mardi 29 novembre 2011

L'UE demande aux Américains de "faire leur part du travail"

Message principal du sommet UE/Etats-Unis lundi à Washington: rappeler l'importance du partenariat économique entre les deux puissances pour éviter de s'engouffrer tous ensemble dans la crise. L'UE a surtout obtenu l'engagement des Américains de ne pas seulement donner des leçons aux Européens pour leur gestion de l'euro mais aussi d'agir pour réduire leur propre dette publique.

Un déjeuner rapide suivi d'un point de presse sans possibilité de poser des questions et l'affaire était réglée pour ce nouveau sommet UE/Etats-Unis se déroulant un an tout juste après celui de Lisbonne. Au moins cette fois-ci, le président américain Barack Obama a dénié assister au lunch avec les présidents de la Commission et du Conseil européen, José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy, alors qu'auparavant il laissait ses hôtes de la vieille Europe déjeuner avec son vice-président Joe Biden. Le contexte est en effet de taille aujourd'hui: une situation économique mondiale catastrophique et une crise de la dette sans précédent aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis.

Les deux parties ont ainsi rappelé pour se rassurer eux-mêmes, et une partie de leur opinion publique, que les Etats-Unis et l'Europe restent les premiers partenaires économiques et commerciaux au monde. Comme l'a rappelé Barroso dans son intervention, leurs relations représentent à elles seules la moitié de l'économie mondiale, un tiers du commerce mondial et suscitent quelque 15 millions d'emplois. De son côté, Herman Van Rompuy a évoqué tous les efforts déployés par les Etats membres ces derniers mois pour tenter de sauver la zone euro, avant de soulever, dans son style bien à lui, que malgré tout la reprise de l'économie mondiale ne dépendra pas uniquement d'une solution à la crise de  la dette en Europe. "D'autres doivent aussi faire leur part du travail".

Le président Obama entouré d'Herman Van Rompuy
(à gauche) et José Manuel Barroso (à droite)

Un appel similaire à celui lancé lors du G20 de Cannes début novembre, lorsque les dirigeants européens avaient souligné qu'il y avait aujourd'hui des "déséquilibres à régler", notamment du côté de la Chine qui doit s'attacher à réévaluer sa monnaie et stimuler sa consommation intérieure, mais aussi des Etats-Unis qui doivent s'engager à résoudre le problème de leur dette faramineuse qui a atteint 14 712 milliards de dollars, soit plus de 100% du PIB.  Le pays, qui a frôlé cet été le défaut de paiement avant l'accord survenu in extremis au Congrès sur le relèvement du plafond de la dette, lutte tant bien que mal pour reprendre le dessus. Un blocage illustré il y a quelques jours par l'échec de la "super-commission" parlementaire chargée de trouver les moyens de réduire le déficit de l'Etat fédéral. Formée en août avec la mission de dénicher quelque 1200 milliards de dollars d'économies cumulées sur dix ans avant le 23 novembre, l'instance bipartisane composée de six républicains et six démocrates n'a pas été en mesure de forger un compromis.

La prochaine "deadline" a été fixée au 23 décembre mais en cas d'échec des coupes automatiques dans les dépenses - "à la hache plutôt qu'au scalpel" selon l'expression d'Obama - seront enclenchées à partir de 2013. Et pour améliorer un peu plus l'ambiance, l'agence de notation Fitch a menacé ce lundi d'abaisser la note "AAA" qu'elle attribue aux Etats-Unis dans les deux années à venir si la classe politique à Washington ne s'attaque pas au déficit budgétaire. Fitch était la dernière des trois grandes agences à maintenir une perspective "stable" sur le "AAA" attribué à la dette de long terme des Etats-Unis. Elle est désormais "négative", comme chez ses concurrentes Moody's et Standard and Poor's. On se rappelle qu'en août dernier, S&P avait décidé, à la consternation générale, d'abaisser d'un cran la note des Etats-Unis, la faisant passer à "AA+". Chez Moody's et Fitch, elle reste encore la meilleure possible avec le fameux "triple A".

Obama inquiet des conséquences de la crise en Europe

Conscient de cette situation, Obama n'a pas tenté devant ses partenaires européens de jouer le donneur de leçon comme son secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, avait pu le faire en septembre dernier en se rendant en Europe - recevant un accueil plus que glacial de la présidence polonaise du Conseil. Le président américain a ainsi joué la coopération, lançant que les "Etats-Unis se tiennent prêts à faire leur part du travail pour aider à résoudre le problème. C'est de la plus haute importance pour notre économie", rappelant que lorsque l'Europe a des difficultés les effets se font directement ressentir aux Etats-Unis en termes de créations d'emplois notamment car "nous exportons tant de produits et de services en Europe, qui est un partenaire commercial si important pour nous". Il a ajouté que de quelque façon que ce soit les Etats-Unis réduiront de 1200 milliards de dollars leur déficit d'ici l'an prochain. 

Obama aura donc dit tout haut ce que les Européens étaient venus entendre. Leur déclaration commune publiée à l'issue du sommet évoque en outre la mise en place d'un groupe de travail, coprésidé par le commissaire européen au commerce et le représentant américain au commerce, pour approfondir les relations économiques et susciter plus d'emploi et de croissance. Objectif: faire rapport fin 2012, probablement pour le prochain sommet transatlantique. Mais vu qu'il y aura dans le même temps les élections présidentielles américaines, le rendez-vous, qui aura lieu cette fois-ci en Europe selon la règle de l'alternance, pourrait être repoussé à 2013. D'autres questions ont été abordées lors du sommet de lundi, notamment les questions de sécurité, de coopération au développement ou encore du printemps arabe. Les deux partenaires se sont félicités d’avoir récemment conclu l’accord PNR, sur l'archivage des données des voyageurs aériens, mais ont aussi rappelé leurs divergences au sujet des quotas européens d’émission de carbone qui à partir du 1er janvier 2012 doivent s’appliquer à toutes les compagnies aériennes desservant l'UE.

dimanche 13 novembre 2011

Quand la torture divise les candidats républicains

Onzième débat télévisé entre les candidats aux primaires républicaines hier soir à Spartanburg, en Caroline du Sud, et tout premier d'entre eux consacré à la politique étrangère. La question de l'usage du "waterboarding" par les services secrets américains a profondément divisé les huit adversaires.
Le débat d'hier avait le mérite d'aller un peu plus dans le fond des dossiers que les précédents rendez-vous du même genre. Si à deux mois du lancement des primaires il n'y a toujours pas de candidat naturel pour incarner le parti de l'éléphant dans la course à la Maison Blanche, l'ex-gouverneur du Massachusetts Mitt Romney reste celui qui fait le plus figure de présidentiable. Parmi les différents sujets abordés, l'ancien businessman de 64 ans élevé dans la foi mormone s'est voulu ferme sur l'Iran, appelant à davantage de sanctions contre le régime des Mollahs et envisageant même une intervention militaire d'Israël ou des Etats-Unis pour empêcher ce pays de se doter de l'arme nucléaire. Vu comme un libéral proche des entreprises plutôt qu'un populiste du Tea Party, Romney a également fait une intervention remarquée sur la Chine qui est entrée selon lui "dans une guerre commerciale" avec les Etats-Unis, réclamant que Pékin arrête de spéculer sur sa monnaie et soit auditionné devant l'Organisation Mondiale du Commerce.
L'ex-gouverneur a en revanche largement évité un sujet sensible qui a divisé les candidats lors du débat: celui de savoir si les services secrets et militaires américains devaient utiliser le "waterboarding" pour interroger des terroristes présumés. Cette technique du Moyen Âge consistant à ligoter la victime sur une planche, à lui recouvrir la tête d'un tissu et à lui verser de l’eau dessus pour la faire suffoquer, a été interdite par le président Barack Obama peu après sa prise de fonctions en 2009. Sur ce point, l'égérie du Tea Party et représentante élue du Minnesota à la Chambre, Michele Bachmann, n'a pas hésité une seconde pour marteler qu'en tant que "Commander-In-Chief" elle autoriserait l'usage de cette méthode qui n'est pas de la torture à ses yeux et reste "très efficace".

Une "méthode d'interrogation poussée"

Herman Cain, l'ex-pdg de la chaîne de restaurants Godfather's Pizza qui demeure haut dans les sondages malgré son implication présumée dans des affaires d'harcèlement sexuel remontant aux années 1990, a également défendu cette pratique qu'il considère simplement comme "une méthode d'interrogation poussée". Le gouverneur du Texas Rick Perry, soucieux de regagner du terrain après sa superbe gaffe trois jours plus tôt dans le Michigan où il avait annoncé qu'en tant que président il souhaiterait éliminer trois ministères sans être toutefois capable de se rappeler le nom du troisième (un "oups" mémorable), a vivement recommandé le waterboarding, lançant d'un ton démagogique: "C'est de la guerre qu'il s'agit. Ce sont des choses qui arrivent en temps de guerre!"
Seul Ron Paul, le vieil élu libertarien du Texas, poussant si loin ses principes de zéro gouvernement qu'il en tomberait presque à gauche, a rappelé que le waterboarding était "illégal selon le droit international" et même "immoral, non civilisé et anti-américain". De même, Jon Huntsman, ancien gouverneur de l'Utah et ex-ambassadeur d'Obama en Chine, parmi les plus modérés des candidats et ayant une vraie expérience de la politique étrangère, a constaté: "nous ne devrions pas torturer. Le waterboarding est de la torture" et si les Etats-Unis s'engagent dans cette voie "nous allons perdre notre capacité à protéger des valeurs que beaucoup de gens aux quatre coins du monde espèrent que nous continuons à défendre". Probablement pour s'assurer du soutien des électeurs les plus conservateurs, Romney aurait finalement assuré un peu plus tard à des journalistes qu'il ne considère pas le waterboarding comme une forme de torture.


Intervention de Ron Paul contre l'usage du waterboarding

Beaucoup d'autres sujets ont été évoqués lors du débat, dont l'Afghanistan, le Pakistan, l'Irak. Sur l'aide financière étrangère des Etats-Unis, Rick Perry a frisé la nouvelle gaffe en assurant qu'il souhaiterait en tant que président "partir de zéro" à ce sujet, y compris en ce qui concerne l'aide à destination d'Israël a-t-il déclaré, ajoutant toutefois très vite que ce pays restait l'un des principaux alliés des Etats-Unis. Herman Cain n'a guère brillé durant tout l'exercice, montrant à peu près aucune connaissance en matière de politique étrangère tandis que l'ancien sénateur de Pennsylvanie, Rick Santorum, est resté quasiment inexistant.

Aucun des opposants de Romney n'a osé cette fois-ci l'attaquer frontalement, tous choisissant plutôt de dénoncer les "dégâts" causés par l'administration Obama. L'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich - qui apparaît désormais dans les sondages comme l'un des premiers adversaires de Romney et se verrait potentiellement sur le ticket pour la vice-présidence des Etats-Unis - s'est même montré presque flatteur. Reste que la politique étrangère n'a jamais été décisive dans des élections américaines et que les prestations des candidats sur le dossier de l'économie pèseront nettement plus dans la balance pour les primaires qui démarreront en janvier dans l'Iowa, le New Hampshire et en Caroline du Sud.


Le mémorable "oops" de Perry lors du débat du 9 novembre dans le Michigan

jeudi 10 novembre 2011

L'Ohio récupère ses conventions collectives

Les citoyens de l'Ohio ont décidé mardi par référendum d'abroger une loi adoptée par leurs élus locaux qui restreignait drastiquement les conventions collectives pour les salariés du public. Une victoire pour les syndicats et démocrates de cet Etat du Midwest face au gouverneur républicain John Kasich, mais qui ne jouera pas forcément dans la balance pour la présidentielle de 2012.

Par 62% des voix, les "Ohioans" ont réclamé de supprimer cette législation qui avait fait tant de bruit lors de son adoption en février dernier à la Chambre et au Sénat locaux, tous deux aux mains des républicains. Le texte visait en effet à interdire littéralement le droit de grève (sous peine d'amende et/ou de prison) et à limiter la possibilité de négocier salaires, primes ou autres avantages pour les quelque 350 000 travailleurs publics de l'Ohio, dont les enseignants, les infirmières, les pompiers et les agents de police. La loi prévoyait aussi d'augmenter fortement les cotisations retraite et santé des fonctionnaires afin de les aligner sur celles des salariés du privé.

Pour justifier à l'époque l'adoption de ces mesures, le gouverneur républicain John Kasich, ayant pris ses fonctions peu de temps avant en janvier en promettant de briser le pouvoir des syndicats, avait brandi le prétexte de chercher à réduire le déficit de son Etat et rééquilibrer les budgets. Le même argument avait été soulevé dans le Wisconsin, gouverné par un autre nouvel élu ultra conservateur du nom de Scott Walker, où une loi à peu près similaire avait été adoptée en février/mars (à la différence qu'elle ne prenait pas en compte les pompiers et policiers).


John Kasich, en février dernier, justifiant
le contenu de son projet de loi devant des journalistes

Depuis la signature de cette loi en mars, les syndicats de l'Ohio ont mené une opposition frontale permanente avec le gouverneur. Travaillant pour l'occasion à l'unisson et avec leurs alliés démocrates, ils ont fait campagne dans toute la région pour recueillir quelque 900 000 signatures d'électeurs enregistrés afin de réclamer la tenue d'un référendum.  Face au résultat de mardi, le gouverneur Kasich a reconnu que "le peuple a parlé et quand le peuple parle dans une telle campagne vous devez l'écouter". Avant d'ajouter qu'il allait prendre une "profonde respiration et penser à ces résultats", mais qu'il n'y aurait pas de "sauvetage" de l'Etat pour rétablir le déficit.


Kasich distribuant de généreux salaires aux membres
de son staff lors de sa prise de fonctions en janvier

Dans le Wisconsin, les choses n'ont pas tourné de la même façon. On se rappelle qu'en février dernier, alors que le parlement local venait d'adopter le texte présenté par Scott Walker, les 14 élus démocrates du Sénat s'étaient enfuis pour se cacher dans un autre Etat (l’Illinois voisin) afin que la chambre haute n’ait pas le quorum nécessaire de 20 personnes pour mettre aux voix le projet de loi. Furieux les 19 sénateurs républicains avaient même demandé de lancer la police aux trousses des fugitifs pour essayer d’en récupérer au moins un, mais en vain. Finalement, par une combine procédurale, le texte avait pu être voté sans le quorum nécessaire et ce, malgré les semaines de protestations dans les rues de la capitale Madison. Des élections sénatoriales anticipées ont toutefois été convoquées par la suite dans le Wisconsin, après le déroulement ubuesque de cette affaire, mais les démocrates n'ont pas réussi à reprendre la main et la loi sur le "collective bargaining" (conventions collectives) est toujours en vigueur.

Un vote contre la loi n'est pas un vote pour Obama

Le sursaut populaire aura donc donné plus de résultats dans l'Ohio. Les supporters d'Obama se sont d'ailleurs immédiatement jeté dans la brèche, plaidant que le référendum de mardi est un véritable camouflet pour les républicains et qu'il faut continuer à se battre contre leurs tentatives d'éliminer des décennies d'acquis sociaux. L'Ohio est un Etat capital dans la course à la Maison Blanche qui est particulièrement pourvoyeur en candidats (sept natifs de l'Ohio ont été élus présidents des Etats-Unis) et dont les résultats électoraux sont en général au diapason du vote national. Cet Etat vote traditionnellement républicain à tel point qu'aucun candidat républicain ne peut vraiment prétendre devenir président s'il n'a pas remporté l'Ohio.

Certains analystes préfèrent néanmoins rester prudents quant à l'impact du résultat du référendum de mardi sur les présidentielles de novembre 2012. Ils estiment que la loi sur les conventions collectives était hautement controversée, y compris parmi les pompiers et policiers qui sont habituellement en faveur des républicains, et soulignent qu'un vote contre cette loi ne veut pas dire automatiquement un vote pour Barack Obama. Mais pour David Axelrod, l'un des précieux conseillers du président, ce qui s'est passé mardi est plus que "significatif" et reflète l'état d'esprit ambiant aux Etats-Unis. Reste que le même jour, l'Ohio a également voté par référendum pour demander que soit préservé au niveau de l'Etat la liberté des citoyens de choisir leur propre couverture santé - ce qui sonne comme une attaque à la réforme de la santé d'Obama.   

lundi 31 octobre 2011

Herman Cain in pain

Herman Cain risque de redescendre de son petit nuage: l'actuel favori de la course à l'investiture républicaine pour les présidentielles de 2012, ex-patron de la chaîne Godfather's Pizza et auteur du démagogique plan fiscal "9-9-9", qui aime pousser la chansonnette et s'est illustré par une publicité de campagne pour le moins surprenante, fait face à des allégations d'harcèlement sexuel à l'encontre de deux femmes dans les années 1990.

Grimpé un peu trop rapidement en tête des sondages devant des politiciens chevronnés comme l'ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney, l'homme d'affaires Herman Cain pourrait voir son rêve américain partir en fumée. Le journal Politico a fait éclater ce dimanche une affaire qui a retenti comme un coup de tonnerre dans la campagne de cet Africain-Américain de 65 ans. L'article relate que dans les années 1990, alors qu'Herman Cain était président de l'Association Nationale des Restaurants, "au moins deux" de ses employées se seraient plaintes auprès de collègues de "comportements inappropriés" de sa part, sous forme de questions ou de conversations un peu trop insistantes et de gestes suggestifs ou impropres à des relations de travail. Toujours selon les sources anonymes de Politico, les deux femmes auraient finalement décidé de quitter leur emploi au sein de l'Association, avec qui elles auraient négocié un accord pour partir avec des indemnités en échange de leur silence.

Le journal indique avoir tenté à plusieurs reprises ces dix derniers jours de contacter Cain mais celui-ci aurait refusé de parler, ne cherchant pas non plus à démentir les allégations. Interviewé dimanche par des journalistes de CBSNews, le candidat est là encore resté vague, se contentant d'indiquer qu'il ne pouvait pas faire de commentaires "avant d'avoir vu des faits et des preuves concrètes". Présent ce lundi à Washington, Herman Cain a vraisemblalement choisi de changer de ton. Lors de son intervention au National Press Club,  il a ainsi nié toute implication dans de telles affaires, s'est dit "faussement accusé" avant de souligner qu'il n'avait aucune idée des sources à l'origine de ces allégations - n'excluant d'ailleurs pas que ce soit un coup monté de ses adversaires républicains. Sûr de ses principes et de sa foi, le candidat a même conclu son intervention par une hymne au Seigneur...


Herman Cain lundi au National Press Club de Washington

 

Un peu plus tôt dans la matinée, son directeur de campagne, Mark Block, était intervenu sur MSNBC pour assurer qu'il "n'y a pas d'affaire d'harcèlement sexuel, fin de l'histoire". C'est ce même chef de campagne que l'on a pu rencontrer dernièrement dans la surprenante publicité de campagne d'Herman Cain pour 2012. On y voit le fidèle Mark Block raconter tout le bien qu'il pense de son patron sur un fond de musique inapproprié, avant de terminer son couplet en prenant une large bouffée de cigarette, tandis qu'apparaît en gros plan le visage d'Herman Cain mettant huit bonnes secondes pour sourire et laisser découvrir ses dents.  Cette publicité a fait scandale, en particulier la bouffée de cigarette filmée avec insistance et interprétée comme une incitation à fumer. Mais le clip avait surtout l'air d'un appel du pied aux plus conservateurs des républicains, défendant la liberté individuelle avant tout, un gouvernement réduit à son strict minimum et une intervention ultra limitée de l'Etat dans la vie des Américains.



Le fameux "homme à la cigarette" 
 
Mais c'est sur la question de l'imposition qu'Herman Cain s'est probablement fait le plus remarquer dans sa campagne et est parvenu à grimper dans les sondages. La clé de son succès: la proposition d'un plan fiscal au slogan facile à retenir "9-9-9", visant à supprimer le code des impôts actuel et à simplifier le système en mettant en place un seul et même taux d'imposition à 9% pour les entreprises, 9% pour les individus et 9% pour les ventes nationales. Pour le candidat, qui se vante d'être le seul non politicien de la course et d'avoir l'habitude de résoudre les problèmes en tant que businessman, cette nouvelle structure devrait "relancer véritablement l'économie", créer de emplois, accroître les investissements et augmenter les salaires.

Ayant le chic pour les formules faciles et démagogiques, Cain a donné une explication très limitée de la raison pour laquelle il proposait 9% et non 8% ou 10% : "ce n'est pas 8-8-8 car 8% ce n'est pas assez de revenus; ce n'est pas 10-10-10 car 10% c'est trop de revenus. C'est donc 9-9-9". L'ancien PDG de Godfather's Pizza veut se présenter comme le candidat proche des Américains et de la réalité du terrain, parlant de façon compréhensible et transparente. Il raconte même que lorsque ses amis lui conseillent: "Herman tu dois rester toi-même", il leur répond: "Herman restera Herman". Pourtant, Herman, qui se dit proche des petites gens, balaye rapidement les questions liées à la crise financière et refuse catégoriquement de taxer les banques.



Herman Cain aime chanter 

Il se veut aussi très dur sur la question de l'immigration illégale, allant jusqu'à suggérer de creuser des douves à la frontière avec le Mexique ou d’ériger une barrière électrifiée de 6 mètres de haut surmontée de fils barbelés électrifiés. Il y a quelques semaines, il avait même lancé qu'il faudrait y ajouter "un panneau de l’autre côté disant: Cela va vous tuer, attention" en anglais et en espagnol. Devant le tollé provoqué par cette phrase, Herman Cain avait ensuite assuré qu’il n’avait fait que plaisanter: “C’est une blague, ce n’est pas un plan sérieux. J’ai dit aussi que l’Amérique doit avoir le sens de l’humour”.

Si l'affaire d'harcèlement sexuel dégénère, elle pourrait faire perdre son sens de l'humour au candidat, qui reste pour l'heure en tête des sondages à 23% des intentions de votes chez les républicains devant Mitt Romney (22%), Ron Paul (12%), Michele Bachmann (8%), Rick Perry et Newt Gingrich (7%).