jeudi 10 novembre 2011

L'Ohio récupère ses conventions collectives

Les citoyens de l'Ohio ont décidé mardi par référendum d'abroger une loi adoptée par leurs élus locaux qui restreignait drastiquement les conventions collectives pour les salariés du public. Une victoire pour les syndicats et démocrates de cet Etat du Midwest face au gouverneur républicain John Kasich, mais qui ne jouera pas forcément dans la balance pour la présidentielle de 2012.

Par 62% des voix, les "Ohioans" ont réclamé de supprimer cette législation qui avait fait tant de bruit lors de son adoption en février dernier à la Chambre et au Sénat locaux, tous deux aux mains des républicains. Le texte visait en effet à interdire littéralement le droit de grève (sous peine d'amende et/ou de prison) et à limiter la possibilité de négocier salaires, primes ou autres avantages pour les quelque 350 000 travailleurs publics de l'Ohio, dont les enseignants, les infirmières, les pompiers et les agents de police. La loi prévoyait aussi d'augmenter fortement les cotisations retraite et santé des fonctionnaires afin de les aligner sur celles des salariés du privé.

Pour justifier à l'époque l'adoption de ces mesures, le gouverneur républicain John Kasich, ayant pris ses fonctions peu de temps avant en janvier en promettant de briser le pouvoir des syndicats, avait brandi le prétexte de chercher à réduire le déficit de son Etat et rééquilibrer les budgets. Le même argument avait été soulevé dans le Wisconsin, gouverné par un autre nouvel élu ultra conservateur du nom de Scott Walker, où une loi à peu près similaire avait été adoptée en février/mars (à la différence qu'elle ne prenait pas en compte les pompiers et policiers).


John Kasich, en février dernier, justifiant
le contenu de son projet de loi devant des journalistes

Depuis la signature de cette loi en mars, les syndicats de l'Ohio ont mené une opposition frontale permanente avec le gouverneur. Travaillant pour l'occasion à l'unisson et avec leurs alliés démocrates, ils ont fait campagne dans toute la région pour recueillir quelque 900 000 signatures d'électeurs enregistrés afin de réclamer la tenue d'un référendum.  Face au résultat de mardi, le gouverneur Kasich a reconnu que "le peuple a parlé et quand le peuple parle dans une telle campagne vous devez l'écouter". Avant d'ajouter qu'il allait prendre une "profonde respiration et penser à ces résultats", mais qu'il n'y aurait pas de "sauvetage" de l'Etat pour rétablir le déficit.


Kasich distribuant de généreux salaires aux membres
de son staff lors de sa prise de fonctions en janvier

Dans le Wisconsin, les choses n'ont pas tourné de la même façon. On se rappelle qu'en février dernier, alors que le parlement local venait d'adopter le texte présenté par Scott Walker, les 14 élus démocrates du Sénat s'étaient enfuis pour se cacher dans un autre Etat (l’Illinois voisin) afin que la chambre haute n’ait pas le quorum nécessaire de 20 personnes pour mettre aux voix le projet de loi. Furieux les 19 sénateurs républicains avaient même demandé de lancer la police aux trousses des fugitifs pour essayer d’en récupérer au moins un, mais en vain. Finalement, par une combine procédurale, le texte avait pu être voté sans le quorum nécessaire et ce, malgré les semaines de protestations dans les rues de la capitale Madison. Des élections sénatoriales anticipées ont toutefois été convoquées par la suite dans le Wisconsin, après le déroulement ubuesque de cette affaire, mais les démocrates n'ont pas réussi à reprendre la main et la loi sur le "collective bargaining" (conventions collectives) est toujours en vigueur.

Un vote contre la loi n'est pas un vote pour Obama

Le sursaut populaire aura donc donné plus de résultats dans l'Ohio. Les supporters d'Obama se sont d'ailleurs immédiatement jeté dans la brèche, plaidant que le référendum de mardi est un véritable camouflet pour les républicains et qu'il faut continuer à se battre contre leurs tentatives d'éliminer des décennies d'acquis sociaux. L'Ohio est un Etat capital dans la course à la Maison Blanche qui est particulièrement pourvoyeur en candidats (sept natifs de l'Ohio ont été élus présidents des Etats-Unis) et dont les résultats électoraux sont en général au diapason du vote national. Cet Etat vote traditionnellement républicain à tel point qu'aucun candidat républicain ne peut vraiment prétendre devenir président s'il n'a pas remporté l'Ohio.

Certains analystes préfèrent néanmoins rester prudents quant à l'impact du résultat du référendum de mardi sur les présidentielles de novembre 2012. Ils estiment que la loi sur les conventions collectives était hautement controversée, y compris parmi les pompiers et policiers qui sont habituellement en faveur des républicains, et soulignent qu'un vote contre cette loi ne veut pas dire automatiquement un vote pour Barack Obama. Mais pour David Axelrod, l'un des précieux conseillers du président, ce qui s'est passé mardi est plus que "significatif" et reflète l'état d'esprit ambiant aux Etats-Unis. Reste que le même jour, l'Ohio a également voté par référendum pour demander que soit préservé au niveau de l'Etat la liberté des citoyens de choisir leur propre couverture santé - ce qui sonne comme une attaque à la réforme de la santé d'Obama.   

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