jeudi 28 avril 2011

Amer, Obama brandit son acte de naissance

Après avoir refusé pendant deux ans d'entrer dans le jeu de ses adversaires politiques de la droite dure, Barack Obama a finalement décidé de publier la version intégrale de son certificat de naissance pour prouver qu'il est bel et bien né aux Etats-Unis. Le Président a estimé qu'il fallait mettre un terme à ces « absurdités » afin de se recentrer sur les choses sérieuses.

La Maison Blanche a ainsi scanné et mis en ligne mercredi sur son site Internet l'acte de naissance officiel et complet du chef de l'Etat. Le document démontre que Barack Hussein Obama II a vu le jour à 07h24 le 4 août 1961 à Honolulu, dans l'Etat américain d'Hawaï, à l'hôpital Kapiolani. Plusieurs figures populistes du parti républicain n'ont cessé ces derniers mois de mettre en doute le lieu de naissance du Président, sous prétexte que son père était kenyan (sa mère une Américaine blanche du Kansas) et qu'il a passé une partie de son enfance en Indonésie. Des arguments fallacieux aux relents racistes visant à remettre en cause la légitimité même d'Obama à occuper le Bureau Ovale. Car selon l'article II de la Constitution, il faut être né sur le sol américain pour pouvoir être élu Président des Etats-Unis (en plus d'y avoir résidé au moins quatorze ans, d'avoir 35 ans révolus et de ne pas avoir fait déjà deux mandats).


Donald Trump invité sur un plateau télé le 21 mars 2011

Cette question du certificat de naissance avait déjà été soulevée lors de la campagne présidentielle de 2008, poussant l'équipe Obama à publier un extrait de naissance du futur chef de l'Etat bien que dans une version incomplète. A l'approche de la campagne 2012, les « birthers » (comme la presse les surnomme) n'ont pas manqué de rouvrir la polémique. Dès février, Mike Huckabee, ex-gouverneur de l’Arkansas et candidat malheureux aux primaires républicaines de 2008, a ouvert le bal en déclarant sur une station de radio newyorkaise qu’« ayant grandi au Kenya (ce qui est faux) Obama conserve des opinions très différentes de celles de l’Américain moyen », ajoutant qu’il aimerait « en savoir plus sur l’endroit exact où le Président est né ».

Prenant le relais en mars, l'homme d'affaire milliardaire et médiatique Donald Trump n'a cessé de répéter sur toutes les chaînes de télévision du pays qu'Obama « ne veut pas ou ne peut pas montrer son acte de naissance ». Un lobbying efficace qui a fait grimper dans les sondages la cote de popularité de Trump, à tel point que ce dernier fait désormais figure de candidat potentiel du parti républicain pour 2012. Son discours démagogique a eu un véritable impact sur une partie de la population. Selon un sondage New York Times-CBS, 41% des personnes affiliées au parti républicain pensaient au début du mois d'avril qu'Obama était bien né aux Etats-Unis. A la fin du mois, après les multiples déclarations de Donald Trump, ce même sondage New York Times-CBS indiquait le chiffre de 33% des républicains...

Réveiller les peurs raciales

Face à l'ampleur du phénomène, Barack Obama a décidé de sortir de son silence de mépris et de révéler au grand jour son certificat de naissance intégral. Amer, il a même fait une déclaration de six minutes mercredi dans la salle de presse de la Maison blanche pour tordre le coup aux rumeurs et rappeler qu'il avait d'autres choses plus importantes à faire. Donald Trump a immédiatement réagi en se disant « fier » d'avoir « accompli ce que personne n'avait jamais réussi à faire » et en ouvrant aussitôt une autre polémique sur la validité du cursus universitaire du Président (Harvard, Columbia). D'autres « birthers » intégristes ont quant à eux indiqué que le document publié par la Maison Blanche pouvait être faux, ce qui a fait bondir de colère le révérend noir américain Jesse Jackson, célèbre pour son combat en faveur des droits civiques. Celui-ci a rétorqué que de tels individus avaient pour seul but de « réveiller les peurs raciales ».

La polémique va-t-elle dégonfler à présent qu'Obama a publié son acte de naissance? Beaucoup l'espèrent, à l'instar du New York Times dépité d'avoir « assisté à un moment profondément faible et navrant dans la vie politique américaine ».

mercredi 13 avril 2011

La guerre civile divise encore le pays

Cent-cinquante ans après le déclenchement de la Guerre de Sécession, les Etats-Unis se déchirent toujours sur les causes de cet épisode douloureux qui coupa le pays en deux de 1861 à 1865 et coûta la vie à 600 000 personnes. Abolition de l’esclavage ou protection des droits des Etats : les interprétations varient du Nord au Sud et de gauche à droite.

Musique, coups de canons et reconstitutions historiques ont marqué ce mardi à Charleston, en Caroline du Sud, le lancement des cérémonies du 150è anniversaire du début de la guerre dite « de Sécession » (« Civil War » en anglais). C’est en effet ici que le conflit démarra, le 12 avril 1861, suite au bombardement par l’armée des Etats Confédérés (Sudistes pro-esclavagistes) du Fort Sumter occupé par la garnison fédérale de l’Union (Nordistes anti-esclavagistes). Si ce point de départ fait l’objet d’un consensus, les causes de la guerre sont, elles, toujours débattues.

Selon un sondage CNN/Opinion Research paru le 12 avril, 52% des Américains estiment que les leaders de la Confédération ont fait sécession afin de maintenir le droit à l’esclavage utilisé à grande échelle dans les Etats du Sud producteurs de coton. Quelque 42% considèrent au contraire que la principale cause de la guerre était la défense du pouvoir des Etats face au gouvernement fédéral. Parmi les personnes interrogées, la plupart des démocrates penchent pour la première raison tandis que les républicains choisissent presque systématiquement la seconde et tendent à réduire l'impact de la question de l'esclavage. 

Un parti républicain à l'origine abolitionniste

Ironie de l’histoire : en 1860 c'est le parti républicain, nouvellement créé, qui défendait en premier lieu la cause abolitionniste. Abraham Lincoln devint cette année-là le premier Président républicain et lutta à la tête des Etats de l’Union pour mettre fin à l’esclavage avant de se faire assassiner le 14 avril 1865 à Washington par des partisans des Confédérés. Le parti des démocrates du Sud était, quant à lui, totalement pro-esclavagiste.  

Reste que le mouvement abolitionniste de l’époque ne prônait pas la suppression de l’esclavage pour des raisons morales mais plutôt économiques. Car les Etats cotonniers du Sud, qui employaient de la main d’œuvre gratuite et corvéable à merci, faisaient concurrence aux Etats manufacturiers du Nord qui, eux, rémunéraient leurs employés. Les motivations des abolitionnistes étaient aussi politiques dans la mesure où les Etats esclavagistes du Sud  se voyaient mieux représentés au Congrès que ceux du Nord, les esclaves étant comptabilisés dans les chiffres de la population (du moins en partie: un Noir équivalait à trois-cinquième d’un Blanc).

La guerre enseignée différemment selon les Etats

Finalement en 1865 les troupes fédérales vinrent à bout des efforts des onze Etats Confédérés. Cette victoire mit fin à l’esclavage, restaura l'Union et renforça au passage le rôle du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, 25% de la population américaine garde malgré tout de la sympathie pour la cause sécessionniste. Ce chiffre frise même les 40% dans certaines régions blanches et conservatrices du sud du pays.  

La guerre civile continue d'ailleurs d'être enseignée différemment en fonction des Etats (la Constitution américaine ne précise pas que l'éducation doit être de compétence fédérale et ce domaine relève à l'heure actuelle essentiellement du pouvoir de chaque Etat). Dans certains Etats démocrates du Nord, on apprend ainsi aux élèves  que « la question de l’esclavage a causé la sécession et la sécession a conduit à la guerre ». Dans d'autres Etats conservateurs du Sud, on préfère enseigner que les causes de la guerre étaient « le régionalisme, les droits des Etats et l'esclavage ». Le Texas a même inséré dans ses programmes l'étude du discours inaugural du Président des Etats Confédérés, Jefferson Davis, au même titre que les discours inauguraux d’Abraham Lincoln.

Obama surprenant des touristes au Mémorial
d'Abraham Lincoln le 9 avril à Washington (Photo White House)

Lincoln est souvent considéré par les historiens du Sud comme un tyran, de surcroît peu porté sur la religion. S'il bénéficie d'un meilleur accueil dans le Nord, son image demeure mitigée à gauche de l'échiquier politique et au sein de la communauté africaine-américaine. « C'était un homme du XIXè siècle et l’Amérique en 1860 était raciste, même dans le Nord », explique Harold Holzer, président de la Fondation du bicentenaire d’Abraham Lincoln. Lincoln défendait ainsi les libertés fondamentales de tout homme sans être forcément en faveur d’une égalité absolue entre les Blancs et les Noirs, par exemple sur le droit de vote. Il a cependant pris souvent ce genre de positions pour ne pas être taxé de radicalisme par ses adversaires politiques et pouvoir être élu Président.

Lincoln a su rester en tout cas la référence incontournable de la plupart des hôtes de la Maison Blanche, toutes tendances politiques confondues. Barack Obama, premier Président noir des Etats-Unis, ne cache pas son admiration pour le personnage et lui a même symboliquement emprunté sa Bible pour prêter serment en 2008.

dimanche 10 avril 2011

Happy end pour le budget 2011

Un épisode digne des films américains à succès: à quarante-cinq minutes près, vendredi soir, l’arrêt total du gouvernement a été évité de justesse grâce à un accord in extremis entre démocrates et républicains sur le budget 2011. L’impact économique et social d’un « shutdown » aurait pu être désastreux pour le pays.
A l’issue d’une série de réunions à huis clos, ponctuées d’allers-retours dramatiques entre la Maison Blanche et le Congrès, le Président démocrate Barack Obama, le président républicain de la Chambre John Boehner (Ohio) et le chef de la majorité démocrate au Sénat Harry Reid (Nevada) ont annoncé qu’ils s’étaient enfin entendus sur le budget du reste de l’année fiscale 2011 qui s’achève le 30 septembre. La limite était fixée au vendredi minuit, faute de quoi le gouvernement américain n’aurait plus été en mesure de financer le fonctionnement de l’Etat.
Le compromis dégagé, qui met fin à plusieurs semaines de querelles partisanes sur le niveau des dépenses, prévoit des coupes dans le budget fédéral à hauteur de 39 milliards de dollars. Les républicains ont également accepté de renoncer à la suppression de subventions pour l'association du Planning familial qui pratique l'avortement. C’était en effet l’un des enjeux ayant émergé dans les dernières heures de la bataille.
Un coût social et financier évité

Les conséquences d'un arrêt du gouvernement auraient été désastreuses. Quelque 800 000 employés fédéraux, occupant des fonctions « non essentielles », auraient été contraints de rester chez eux sans recevoir de salaire, laissant le pays littéralement paralysé : depuis l’absence de ramassage d’ordures, jusqu’à la fermeture des musées et mémoriaux, en passant par l’arrêt des versements pour la retraite et la sécurité sociale ou encore des prêts pour les petites entreprises. Même les soldats américains auraient reçu leur traite en décalé.
Lors du dernier shutdown de 1995, sous l’administration Clinton, les pertes financières avaient été estimées à 1,4 milliard de dollars. Cette fois-ci, les coûts économiques et sociaux auraient pu être encore plus douloureux dans la mesure où les Etats-Unis se relèvent à peine de la crise, gardent un taux de chômage élevé et un niveau d’endettement astronomique. Le District de Columbia, en tant que capitale, aurait été particulièrement affecté alors qu’il ne dispose même pas de représentant à la Chambre ni au Sénat (DC n’est pas un Etat en tant que tel et n’a donc droit qu’à un simple « délégué » bien que ses habitants payent des impôts, c’est la « taxation without representation »).

Boehner en proie aux difficultés

Sur le plan politique, cet épisode a entre autres révélé un président de la Chambre en proie aux difficultés de gérer des tendances disparates au sein du parti républicain. Le leader de la majorité démocrate au Sénat Harry Reid a d’ailleurs souligné la faiblesse de John Boehner sur ce point, arguant dans la journée de vendredi qu'il ne s'agissait désormais plus d'une querelle de chiffres mais bien d'une bataille idéologique sur le droit à l'avortement orchestrée par les ultraconservateurs du Tea Party.

Au final, le Président Obama est celui qui ressort le plus renforcé de cette histoire, son image de « facilitateur de compromis » ayant été redorée. Il n’a plus qu’à espérer que l’issue sera aussi positive lors des négociations sur le budget 2012.

lundi 4 avril 2011

Obama ouvre le bal pour 2012

C’est parti : Barack Obama a officiellement lancé ce lundi sa candidature à sa propre succession pour l’élection présidentielle du 6 novembre 2012. Sa campagne, qui devrait être la plus chère de l’histoire et friser le milliard de dollars, pourrait le conduire vers la réélection si l’économie repart à la hausse et si le parti républicain ne parvient toujours pas à présenter de candidat charismatique.

Le Président démocrate a déposé très tôt dans la journée ses formulaires de campagne auprès de la Commission électorale fédérale. Dans le même temps, un clip vidéo de deux minutes annonçant sa candidature a été mis en ligne sur le site officiel http://www.barackobama.com/. Les quelque 13 millions d’internautes qui avaient enregistré leur adresse électronique lors de la précédente campagne de 2008 ainsi que les 19 millions d’ « amis » d’Obama sur Facebook ont reçu la nouvelle en primeur par le biais d'un message personnel du Président.

Le tout premier clip de campagne d'Obama révélé lundi 4 avril 

Dans le clip vidéo intitulé « It begins with us » (Cela commence avec nous), Obama laisse la parole à des citoyens ordinaires qui expliquent pourquoi ils voteront de nouveau pour le Président démocrate en 2012. Le message est moins enflammé que l'historique « Yes we can » de 2008 et semble basé davantage sur des arguments rationnels, l'un des intervenants précisant même: « Je ne suis pas d’accord sur tout avec Obama mais je le respecte et je lui fais confiance ».

Désormais candidat, Obama va pouvoir commencer à lever des fonds. En 2008, il avait réussi à recueillir plus de 740 millions de dollars uniquement grâce à des dons privés, dont beaucoup composés de petites sommes. En 2012, le Président devrait dépasser ce record et atteindre le milliard de dollars. Cette fois-ci, les particuliers ne seront pas les seuls contributeurs... Dès les prochaines semaines, Barack Obama va sillonner le pays pour récolter de l’argent en  commençant le 14 avril par son fief, Chicago, où il devrait déjà glaner plusieurs millions. Jim Messina, son ex-chef de cabinet adjoint, sera aux manettes de la campagne et entend insister encore plus qu'en 2008 sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter).

Aucun adversaire de taille à ce stade

Même si la campagne ne fait que commencer, les journaux américains se lancent déjà dans des  conjonctures quant au vainqueur de 2012. Le site spécialisé Politico écrit ainsi qu’ « Obama entame sa campagne avec une économie qui repart et un parti républicain faible et divisé, mais le chaos au Moyen-Orient ajoute un peu d’imprévisibilité à une conjoncture qui semblerait plutôt favorable à une réélection ». L’économie et l’emploi restent en effet la préoccupation première des électeurs et Obama bénéficie en ce moment d’une légère baisse du taux de chômage, même si les chiffres (8,8%) restent au-dessus des prévisions de la Maison Blanche. 

Les démocrates pourraient également tirer profit d’une absence de candidat républicain charismatique. Pour l’heure, seuls l’ancien gouverneur du Minnesota, Tim Pawlenty, l’ex-PDG de la chaîne de restaurants Godfather's Pizza, Herman Cain, et l’ancien gouverneur de Louisiane, Buddy Roemer, ont officiellement déposé leur candidature pour les primaires du parti. D’autres noms ressortent néanmoins dans les sondages dont l’ancien gouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee, l’ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney et l’ancienne gouverneure de l’Alaska Sarah Palin. Aucun ne réalise pour l'instant de véritable percée (voir article précédent). Obama semble donc partir avec un certain avantage sur son hypothétique futur adversaire. Reste à savoir si l'évolution de la situation internationale, au regard notamment des révolutions arabes, aura un impact sur sa cote de popularité.